L'allaitement à tout prix

 

L'allaitement, c'est ce qu'il y a de meilleur pour ton bébé. On l'entend PARTOUT: à l'hôpital, aux rendez-vous avec les médecins, on le lit dans les livres de grossesse, bref, PARTOUT ! 

On le sait. 

On souhaite que ça fonctionne, mais ce n'est pas toujours le cas. Quand tu deviens maman, tu veux donner le meilleur à ton bébé. Tu te donnes littéralement corps et âme! Tu te dis que ton corps est programmé pour ça nourrir ton bébé, que ça devrait aller comme sur des roulettes. Tu es un animal : tu crées la nourriture pour ton bébé. Ça devrait fonctionner. 

Eh bien, j'ai des petites nouvelles pour toi; ça ne va pas toujours comme tu l'avais prévu, envisagé et espéré. Loin de là. On te fait miroiter tous les bienfaits et les belles photos de mamans qui allaitent le sourire aux lèvres en regardant leur nouveau-né. 

Ça a l'air doux. Ça a l'air simple. Ça a l'air facile et naturel. 

Mais l'autre côté de cette belle médaille aux couleurs de bonheur, il peut aussi y avoir une maman fatiguée, épuisée, aux mamelons gercés, crevassés et qui saignent. 

Ils saignent !

Mais tu continues, parce que « tu dois te donner du temps » qu'ils disent, « ton bébé va s'habituer à ton sein », « tu vas trouver la bonne position »; persistes ! 

La persévérance, tu la sens très bien. Peut-être trop bien même.

Tu essaies tout : la madonne, le football, le coussin en-dessous, dans ton dos, toi couchée sur le côté, la téterelle mais pas trop pour que ça ne brime pas tous les beaux efforts et que ton bébé rejette ton sein; ça serait le comble du désespoir.

Bref, tu essaies TOUT. 

Tu vas aux cliniques du nourrisson et d’allaitement. Tu laisses des madames qui s'y connaissent plus que toi (mais que toi tu ne connais aucunement) te toucher, placer tes seins et la bouche de ton bébé sur celui-ci. Tu écoutes avec attention, tu notes et fais ce qu'on te dit et ta dignité n'existe plus. Elle a pris le bord dès ton accouchement et n’est toujours pas revenue te saluer.

Ton allaitement ne fonctionne pas comme tu pensais et ta confiance de maman s'effrite doucement. 

« Ton lait, c'est ce qu'il y a de mieux pour ton bébé » qu'ils disent. Tu veux évidemment ce qu'il y a de meilleur pour lui, tu es sa maman. Donc tu continues. Ta petite crème à mamelons et toi êtes devenues les meilleures amies du monde. 

Tu en as trois tubes différents ouverts. Tu en gardes partout: table de chevet, sac à couches, pharmacie, etc. Tu ne dois SURTOUT PAS en manquer! Tu t'en badigeonnes allègrement plusieurs fois par jour, car il ne faut surtout pas que la principale source de nourriture fasse défaut. Oh que non !

 

Mais tu le sens, tu le sais au fond de toi que ton bébé n’est pas rassasié. Ses pleurs te le confirment. Sa prise de poids en grammes tel un petit oiseau fragile aussi.

Et c’est là que cette incroyable machine peu discrète, au son perceptible n'importe où et surtout, qui te fait sentir comme une vache entre en scène : le tire-lait. 

C'est ta deuxième meilleure amie pour soulager les immenses ballons gorgés de lait que sont devenus tes seins. 

Tu te rappelles sans cesse que tu veux le meilleur pour ton bébé. Tu t’accroches à cette idée et tu te la rappelles chaque fois que tu branches l’appareil et que tu vois les lumières clignoter. 

Les yeux cernés jusqu'aux genoux, tu t'installes. Les deux seins « pluggués » en même temps, la machine au maximum de succion et de vitesse, car tu n'as pas de temps à perdre et tu tires ton lait. 

Madame la dignité te regarde avec pitié. Tu l’as fait valser dans un coin encore une fois dès que tu as croisé le regard de ton chum. Une vache. C’est l’image qui te vient en tête. C’est surement l’image qu’il a aussi, mais par respect, il ne te le dit pas. 

Il voit déjà dans tes yeux que tes propres pensées suffisent. Mais « c’est ce qu’il y a de meilleur », alors tu t’y remets en tentant d’oublier que tout le côté attirant des seins d’une femme vient de prendre le bord. Tes seins sont devenus une source de nourriture et de réconfort. Point.

Tu es assise là et tu espères que les deux bouteilles se remplissent vite. Tu souhaites qu’elles le soient au complet de ce précieux liquide. Ton précieux lait; l'or en bouteille! Tu en échappes quelques gouttes et tu as envie de pleurer. 

Tu es rendue là. Ouf ! 

Tu réalises alors que ta production n'est pas à son top. Seulement quelques onces tirées après de trop nombreuses minutes. Tu as même cessé de compter, car tu étais découragée. 

« Il faut le mettre au sein plus souvent, c'est ce qui va augmenter ta production » qu'ils disent. Comme si tu ne l’avais pas déjà assez mis; tu doutes encore un peu de toi. Tu essaies de te rappeler la dernière fois, de calculer depuis combien d’heures il n’a pas tété. Tu es épuisée.

Donc tes crevasses et toi, vous ne vous obstinez pas plus et tu essaies encore. Toujours.  

Tu achètes des produits naturels pour augmenter ta production. On te conseille même de prendre une médication pour te donner un coup de pouce. Tu trouves cela étrange de prendre quelque chose de chimique pour réussir à créer ce qui est supposé se faire si naturellement. Ce pour quoi tu es programmée en donnant naissance à ce petit être. Mais, tu n’as rien à perdre. Tu essaies de te convaincre que cette fois-ci, ça fonctionnera surement mieux. Tu cuisines aussi des biscuits de lactation, tu mets ton joli poupon au sein ou tu tires, tu tires et tu tires encore. 

Ahhh nourrir ton bébé… 

Ahhh l’allaitement…

« Ce sont des beaux moments pour renforcer le lien avec ton bébé » qu'ils disent. C'est vrai. 

Mais à 3h du matin, avec les cernes de lait gras qui ont taché ton chandail et ceux d'hier, tes autres cernes de manque de sommeil et tes seins endoloris, tu voudrais bien opter pour donner un biberon de cette belle petite poudre jaunâtre et que papa tisse lui aussi son lien avec votre bébé. 

Tu rêves secrètement que pendant ce temps-là, comme Blanche neige, tu tomberais dans un sommeil profond. Oh ! Le rêve !

Mais, tu es sa maman et tu veux ce qu'il y a de mieux, donc tu continues. Tu t’acharnes malgré le fait que tu t’étais promise de ne pas le faire. De ne pas te rendre là.

Jusqu'à ce qu'une nuit, tu pleures. En silence. 

Tu pleures, parce que chaque tétée est une douleur jusqu'aux orteils. Tu pleures parce que ça ne fonctionne pas. 

Et là, ton chum te regarde, lui aussi en silence pendant quelques instants et malgré son hésitation pour ne pas te blesser, il ose et te dit « ok, là, c'est assez; c'est fini ». 

Tu avais besoin de ça. 

Tu ravales ton émotivité.

Tu regardes le nouveau-né que tu as dans les bras et tu te dis que tu veux juste le meilleur pour lui.

Et malgré tes yeux boursouflés et rougis par tes pleurs, tu fais face à la réalité : tu ne peux pas allaiter comme tu avais espéré.


Tu es devenue zen avec l'idée. Cela a fait son petit bout de chemin dans ta tête. C’est sain.

Tu ne t’acharnes plus à tout prix. 

Tu tires ce que tu peux du reste de ton lait qui coule de moins en moins. 

Tu n'allaites plus. 

Ton bébé continue d'être heureux malgré tout, d'être nourri, il prend du poids et il va bien. Toi aussi. 

Tu es une maman et tu donnes ce qu'il y a de meilleur à ton bébé. Il t'a toi, sa maman.


La douce maman lionne

Maman de S. et J.

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